Pétrole guerres et économie
Lorsque les ressources se font rares leur prix augmente et les utilisations peu rentables sont évitées. On dit que le marché optimise l'emploi des ressources rares. Mais l'augmentation de prix peut sembler insupportable lorsque des emplois qui étaient "ordinaires" commencent à être hors de prix. Dans ce cas les puissants s'organisent pour avoir le monopole de l'emploi, par la force si il le faut. Au niveau des pays cela s'appelle la guerre.
Le vingtième siècle a été le théâtre de nombreuses guerres du pétrole, alors que celui-ci était encore abondant, simplement pour maintenir son prix suffisamment bas. On peut penser qu'avec la pénurie qui s'annonce le vingt et unième siècle risque d'être encore pire si on ne fait rien. Un article de Michael T Klare édité en français sur le site de contreinfo illustre ce risque: "Une autre conséquence déplorable est également certaine : durant l’ère de l’énergie extrême on assistera aussi à d’intenses conflits géopolitiques, lorsque les grands consommateurs d’énergie et les producteurs comme les États-Unis, la Chine, l’Union européenne, la Russie, l’Inde et le Japon rivaliseront pour le contrôle des ressources restantes. La Russie et Norvège se disputent déjà au sujet de leurs frontières maritimes en mer de Barents, qui est vue comme l’une source prometteuse de gaz naturel dans le grand nord, tandis que la Chine et le Japon se sont affrontés lors d’une dispute frontalière similaires en mer de Chine orientale, qui abrite un autre important gisement gazier. Toutes les nations de l’Arctique - le Canada, le Danemark, la Norvège, la Russie et les États-Unis - revendiquent de grandes étendues de l’océan Arctique, se chevauchant parfois, provoquant de nouveaux conflits frontaliers dans ces régions riches en ressources énergétiques. N’oublions pas non plus de mentionner les zones de conflit actuelles, comme le Nigeria, le Moyen-Orient, et le bassin de la Caspienne."
Mais jusqu'où le prix peut-il monter?
Le pétrole est un facteur de production, normalement son prix est fixé par l'utilité marginale du dernier baril, à condition que le coût d'extraction de ce dernier soit inférieur à ce prix. Mais l'utilité du pétrole est grande si bien que le prix est plus lié au coût d'extraction des gisements les plus difficiles qu'à l'utilité proprement dite.
En situation de pénurie la loi normale, c'est à dire un prix qui reflète l'utilité marginale, risque de s'appliquer, à moins que des guerres produisent une segmentation du marché avec des monopoles régionaux. Dans Impact économique du pétrole on montre que si des pays sont plus riches que d'autres c'est que le pétrole leur permet de bénéficier d'équivalent travailleurs, qui résultent de l'emploi du pétrole et qu'on n'a pas besoin de payer plus cher que le prix du pétrole, c'est à dire beaucoup moins que le prix du travail. Cette constatation montre quelle est l'utilité réelle du pétrole et son prix, qui est celui qui égalise l'intérêt de l'usage du pétrole et de l'usage du travail humain, pour obtenir un résultat.
Quelques conséquences
On fera les raisonnements à partir du premier tableau de Impact économique du pétrole car neutraliser les efficiences a un intérêt théorique pour valider l'approche mais n'est pas justifié économiquement : il est clair qu'une efficience élevée dans l'utilisation de l'énergie est un avantage réel qu'on a aucune raison de vouloir neutraliser.
Pour l'Inde à partir de 1700 $ PPA le baril c'est-à-dire 566 $ au taux officiel il n'y a plus d'intérêt à "acheter" des travailleurs virtuels issus du pétrole. Cela donne une idée de la marge d'augmentation possible du pétrole si l'utilité devient le critère de fixation du prix. A noter que la Chine pourrait supporter un prix du baril de 1100 $, les Etats Unis de 2200 $ et l'Europe de 3000 $. En fait il y a en Afrique des pays bien plus pauvres que l'Inde pour lesquels le pétrole est déjà trop cher! Ce sont des pays qui sont restés au niveau de richesse séculaire traditionnel. Ce type d'économie était fondé sur un secteur agricole qui représentait 80% de la population active et qui pourtant peinait pour ne pas mourir de faim.
On peut calculer pour le Congo les éléments analogues à ceux du tableau de Impact économique du pétrole et on trouve que la population virtuelle est négligeable (4% de la population réelle) que le prix unitaire de ces travailleurs énergétiques est de 347 $ PPA pour un baril actuellement à 90 $ aux taux officiel, c'est-à-dire 180 $ PPA. Il n'y a que les "riches" qui peuvent se permettre l'utilisation du pétrole et la consommation globale faible montre qu'ils sont peu nombreux. Une deuxième remarque concerne le changement de régime qui se profile. Jusqu'à présent le volume total de pétrole extrait n'était pas une contrainte pour la croissance mondiale. On pouvait "acheter" autant de travailleurs pétro-virtuel que l'on voulait. A partir du moment où la production de pétrole décline, la population pétro-virtuelle totale décline aussi. On a alors les conséquences suivantes: - La production de pétrole va décroître,
- Si des pays s'enrichissent (sont en croissance) ce sera en utilisant plus de population virtuelle, ce qui implique que d'autres doivent s'appauvrir (décroître), puisque la production totale de pétrole ne peut plus croître.
- Les pays développés accepteront-ils de voir diminuer leur richesse pour les pays en développement ?
- Un pays en développement utilise moins bien le pétrole (en termes de PIB) qu'un pays développé, ce qui accroît la décroissance globale du PIB.
Comment améliorer la situation? Voici quelques pistes :
- Il devrait y avoir encore un peu de croissance de la population "réelle" ce qui freine la décroissance du PIB global mais augmente celle (la décroissance) du PIB par tête,
- On peut substituer au pétrole un autre type d'énergie pour certains usages (structures fixes),
- On peut faire du pétrole de synthèse,
- On peut développer les transports en commun,
- On peut améliorer l'indice énergétique du PIB, mais les gains sont plus faciles dans les pays en développement que dans les pays développés.
En conclusion les pays développés, qui peuvent payer le pétrole plus cher, devraient substituer au pétrole un autre type d'énergie et produire du pétrole de synthèse, et les pays en développement devraient améliorer l'indice énergétique du PIB et favoriser les transports en commun.
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