L’homme a déjà consommé une partie significative de l’énergie fossile disponible, son action a modifié la composition de l’atmosphère. Cette action est si puissante qu’on peut même mesurer la vitesse des modifications en cours. Dans les média cette vitesse est rendue responsable de la gravité de la situation et l'on entend souvent qu'il n'y a pas de précédent pour des modifications si rapides. En fait les grandes extinctions semblent avoir étés contemporaine de telles variations de la température, mais dans le sens d'un refroidissement.
Le traps de Deccan est la trace visible d'une activité volcanique gigantesque, contemporaine de la formation du cratère de Chicxulub à l'origine de l'extinction des dinosaures et de 90% des espèces vivantes sur Terre à ce moment là. C'est l'anhydride sulfurique dégagé lors des éruptions qui aurait fait baisser la température de 2° juste au moment où les poussières dues à l'impact de la météorite de Chicxulub rajoutaient un refroidissement supplémentaire en masquant le Soleil. Et cette série d’événements semble s'être produite plusieurs fois, associant extinction, météorite géante et traps (en Sibérie par exemple).
Donc on ne sait pas si une augmentation brusque de température entraîne une extinction, mais on le sait pour une diminution brusque. Et en plus on constate qu'une telle extinction est en cours.
Si nous nous focalisons sur le bon critère, toutes les périodes sont des périodes de transition, mais ce que l’on vit maintenant est une transition particulièrement importante qui est la conséquence de la fin de l’utilisation, sans discernement, de l’énergie fossile et d'une manière plus générale la fin de l'utilisation, sans discernement, de toute les ressources minérales. C’est le moment où le développement se heurte au monde fini.
Nous pouvons donc penser qu’il va falloir consommer moins d’énergie fossile, mais ce point de vue est insuffisant. En effet il y a deux problèmes différents à adresser :
• Le problème des ressources finies,
• Le problème des rejets de déchets, dont les rejets dans l’atmosphère sont un exemple.
Pour résoudre le problème des ressources finies, il ne suffit pas de réduire notre consommation, cette approche ne permet que de retarder l’échéance où l’impasse est avérée. Ce qu'il faut c'est planifier une organisation de l’économie qui renouvelle le stock de ressources dont nous disposons.
Une façon pratique de poser cette question est d'examiner les deux problèmes suivants:
Nos activités utilisent l'énergie pour transformer la matière, les produits de cette transformation sont appréciés et utilisés (c'est ce qui fait leur valeur) et lorsqu'ils sont en fin de vie ils sont considérés comme des déchets. Mais bien souvent ils sont plus riches en éléments récupérables que les minerais dont on se contente pour produire la matière première. On peut donc se poser la question de l’existence de déchets, car finalement à part l'énergie rien ne quitte la Terre. Seulement c'est l'énergie qui permet les transformations, y compris la transformation des déchets en matière première. Et la quantité d'énergie disponible est finie.
Nous pouvons aussi remarquer que des objets de plus en plus petit peuvent procurer des satisfactions importantes (les économistes parlerait de leur utilité) et donc avoir une grande valeur économique: le téléphone mobile est une bonne illustration de cette remarque et on peut imaginer une certaine croissance sans forcément que les volumes de matières nécessaires suivent la même pente. La croissance économique pourrait consister à utiliser de mieux en mieux la matière disponible.
Il reste le problème de l'énergie. C’est ce qui justifie la question du degré de substitution entre le capital physique et humain. Car le savoir a augmenté le stock d'énergie accessible à l'humanité.
Plaçons nous au 19ème siècle : avec le savoir de l'époque le stock d'énergie disponible ne pouvait venir que des éléments naturels renouvelables (mais ce n'est pas un stock) et des combustibles fossiles. Le 20ème siècle nous a donné l'énergie nucléaire, ce qui au minimum décuple le stock accessible grâce à la surgénération. Car il faut considérer qu'en plus de l'uranium 238 d'autres éléments tels que le Thorium 232 peuvent être utilisés pour produire de l'énergie.
En théorie on peut donc résoudre le problème de l'énergie, car après l'énergie de fission on aura l'énergie de fusion. Il n'empêche que la substitution entre capital physique et humain est imparfaite et mérite beaucoup d'attention pour que le développement soit un progrès réel.
Il y a toutefois un problème de priorité car on risque de manquer rapidement de combustible liquide d'après le rapport le rapport peacking of world oil production. C'est ce qui justifie une certaine priorité pour la production de ce type de combustible dans la stratégie que l'on exposera par la suite.
Résoudre le problème du degré de substitution entre le capital immatériel et matériel est un cas particulier d’un problème plus général qui est caractéristique des mondes finis.
Dans un monde fini on ne peut pas accepter de rejeter les déchets dans l’environnement, à moins que celui-ci soit capable de les recycler. Cela signifie que dans la plupart des cas, les activités humaines doivent se faire avec zéro déchet. Donc pas de rejets de gaz carbonique si on veut utiliser les énergies fossiles, et pas de déchets nucléaires si on veut utiliser l’énergie de même nom.
La conséquence d’une substitution imparfaite entre le capital humain et physique, est que la croissance du capital humain n’est pas une parade parfaite à la régression du stock de capital physique par la création de déchets. D’où la conclusion qui s’impose : un modèle économique produisant des déchets n’est pas viable à long terme, et il nous faut créer un modèle économique qui ne produise aucun déchet. L’enjeu est de pouvoir recycler tous les biens utilisés.
On le devine, à ce point de la réflexion se dessine les contours d’une question épineuse : qu’est-ce qu’un déchet ? Car un déchet au temps t ne le sera peut-être plus en t+1 à cause de l’innovation technologique. Par exemple, les déchets nucléaires des réacteurs actuels qui comportent une majorité d'Uranium appauvris fourniront la matière première des surgénérateurs.
L'économie est dans une certaine mesure capable de gérer le problème des ressources finies car quand la ressource est rare, les prix augmentent et seule la meilleure utilisation de la ressource est rentable. Ce phénomène favorisera l'émergence des produits de substitution comme l'énergie nucléaire, les énergies renouvelables etc... La valeur de l'énergie étant bien plus grande que son coût et que son prix, il n'est pas douteux que des solutions seront trouvées.
Le grave problème qui se pose est qu'il y a trop de carbone accessible par rapport à ce que l'atmosphère est capable de supporter. Cela signifie que la résolution du premier problème n'entraîne pas la résolution du second. D'après H. Prévot il y a deux fois trop de carbone accessible:
"Si l’on veut éviter un réchauffement climatique aux conséquences très dommageables, entre aujourd’hui et ce jour-là, d’ici une centaine d’années, il ne faudra pas avoir rejeté plus de 1 000 milliards de tonnes de carbone sous forme de gaz carbonique (1 000 GtC).Or les quantités de pétrole, de gaz et de charbon accessibles à un coût que les consommateurs sont prêts à payer contiennent plus de 2 000 GtC."
"En conséquence, dans les cent ans à venir, l’humanité ne devra pas avoir consommé plus de la moitié des quantités d’énergie fossile accessible."
Il va donc nous falloir être vertueux! Et pas seulement l'Europe mais le Monde. Il faudra expliquer aux pays émergents qu'ils ne peuvent pas être laxistes avec l'énergie pendant leur décollage industriel, contrairement à nous au moment de notre développement.
Ce n'est pas gagné d'avance.